Rue de la Rhode
Ancien emplacement de l’entreprise de carrosserie-tôlerie d’André Bonzom.
Enseigne de l'ex tournerie de Pierre Pons. Enseigne découverte lors de la réfection de la façade du bâtiment où est maintenant installé un magasin d’optique « Vision’Aires ».
La rue de la Rhode racontée par Vincent Albas Elle débute à l’extrémité du Pont Vieux par un bâtiment aujourd’hui détruit que nous appelions : « le moulin à Olard ». Ce moulin était déjà désaffecté dans ma jeunesse. Vivait là, une famille d’ouvriers de la scierie Olard : les Mikaela-Jaureguy. La complexité de ce nom venait d’une erreur de l’état civil : à l’origine Mikaela était un prénom, Jaureguy le vrai nom, mais c’est ainsi que nous avons toujours appelé Georgette, Marthe et René, un ami très cher, trop tôt décédé. Le contremaître de la scierie, M. Capis, logeait à l’arrière du moulin ; sa fille, couturière de profession, a appris le métier à beaucoup de jeunes Quillanaises. Elle épousa un joueur de rugby de la « Grande Époque », nommé Flamand qui, devenu veuf, se remaria avec une vieille fille de la famille Gitareau dont la demeure faisait face au moulin, quai du Pouzadou. La famille Gitareau vit toujours là.
Côté droit
Un peu à flanc de colline, c’était la maison d’une célibataire que nous faisions inquiéter en l’appelant « La Jeannette ». Elle était, je crois, la soeur de Clanet, un braconnier célèbre qui passait ses nuits dans la rivière avec son épervier et fournissait en truites tous les notables de Quillan. Combien de fois ai-je grimpé cette colline jusqu’au soubassement du château ? Un peu plus loin, j’ai vu creuser sous la montagne un garage en forme de voûte. Je pense qu’il devait appartenir à M. Gayda, greffier au tribunal de Quillan ; en ces temps-là nous avions encore un « Hôtel de Justice ». Et nous voici devant la maison Paris. Le père était le chauffeur et homme de confiance du Dr. Cyprien Bouchère dont la bonne réputation et la forte personnalité attiraient des patients venus de loin, il soignait en effet les maladies tropicales. Après l’incendie de sa maison, le docteur déménagea à Belvianes. M. Paris faisait tous les jours le trajet en « automobile » et venait déjeuner rue de la Rhode avec ses deux filles, mariées : Mmes. Mathieu et Pech. Les voisins immédiats étaient les Raynaud, dits « Majourdot ». Le père travaillait à la scierie Pons et ne manquait pas son apéritif quotidien. Son épouse prenait du travail à domicile, garniture de chapeaux pour le compte des Ets. Bourrel. Je les ai très bien connus ainsi que leurs deux enfants : Marcelle épousa Riols Emile le charron et Etienne, cuisinier à Toulouse, devait terminer sa carrière dans un restaurant américain. Voici une famille de trois enfants les Olive. La mère, familièrement appelée « la Pampelune », vivait du fruit de son potager ; elle vendait ses légumes les mercredis et samedis sur la place de la République. Le mari de sa fille aînée, Bernat, de Marsa, lui donnait un coup de main. Son fils Antoine préféra s’envoler pour le Sénégal ; nous l’appelions « L’empereur de Kaolac ». La benjamine épousa un Caux, comptable à la Tournerie Pons. Leur fils André possède toujours une maison Rue de la Rhode. Nous arrivons chez les Viala. Elle, était, je crois, institutrice et lui charron. J’ai le lointain souvenir d’avoir vu ferrer dans la rue des roues en bois. Eux disparus, la famille Bos a pris leur place et André Bos est encore là aujourd’hui. En passant, je dois signaler que j’ai créé là, mon premier atelier de « Plomberie, Zinguerie, Sanitaire » fin 1953. Et nous voilà arrivés à la grande maison Chouzenoux. Je l’ai toujours vue construite. Le père Jean Chouzenoux, un brave homme, était venu de son Auvergne natale et avait épousé une Melle. Sanrame d’une famille quillanaise. Il exerçait la profession de ferrailleur et ramasseur de peaux de lapin et de sauvagines. Il avait démarré, d’après ses dires, dans des conditions difficiles, mais il faut croire que le métier nourrissait bien son homme. Il eut cinq enfants. J’ai bien connu Élise l’aînée, épouse Massette ; elle tenait une épicerie rue Anatole France mais rentrait tous les soirs avec son mari Ernest pour dormir dans leur maison au fond de la rue. André et Louis faisaient prospérer l’affaire familiale : ils récupéraient les métaux non ferreux et les chiffons ; ils faisaient aussi le « carbonisage des laines ». En 1939, ils vendirent leur stock et firent, paraît-il, une bonne affaire. Mais les deux frères furent mobilisés. Le plus jeune qui continuait le ramassage des peaux devait disparaître prématurément. Aimée assurait la gestion de cette affaire familiale. (On ignore les raisons qui poussèrent cette jeune fille à mettre fin à ses jours dès la fin de la guerre). Ils habitaient tous ensemble dans la grande maison, même après le mariage des deux frères. Monsieur Jean, comme nous avions l’habitude de l’appeler, nous fit gagner à mon frère et à moi, nos premiers 100 francs. J’expliquerai plus tard comment. Une grange jouxtait ce grand bâtiment ; elle appartenait, je pense, à la famille Cauneille ; elle devint par la suite la grosse réserve de fromage du fils Jean qui en faisait le commerce. Au dépôt de bilan de son entreprise, ma mère me pressait d’acheter ce bâtiment, je ne l’ai pas fait, j’avais d’autres chats à fouetter. Je devais l’acquérir plus tard, regrettant que ma mère n’ait pu le voir. Et c’est ainsi que j’ai eu le plaisir de l’offrir à mes enfants Serge et Régine. Au n°16 de le rue, Angel Albas et Pauline achètent leur maison en 1926. Le garage était occupé par Alcide Michau, boucher de son état. Au premier, une vieille femme veuve d’un militaire vivait dans une saleté repoussante ; les toiles d’araignée descendaient à hauteur de visage nous étions voisins et fortement incommodés par cette promiscuité. Cela ne dura pas, elle devait bientôt décéder, sans héritiers. L’huissier de Quillan vendit ce bien à mon père et il eut beaucoup de mal à remettre l’appartement en état (désinfection au soufre pendant un mois). Nous possédons un beau miroir venu de cet héritage qui aurait pu être plus important s’il s’était passé aujourd’hui, ignorance de mes parents, jeunesse de nous deux, mon frère et moi… Au deuxième étage les Bénassis et les Sanchez logeaient misérablement dans deux pièces. Au 18, la maison appartenait à la famille Fourty-Delmas dont l’usine à chapeaux devait brûler par manque de matériel contre l’incendie. Deux locataires : les Vergès et leurs trois filles vivaient en bonne amitié avec Roland François, le menuisier. Nous avons tous conservé de très bonnes relations. Un peu plus loin, c’était la maison Oustric. J’ai toujours vu dans le jardin, ce Monsieur à la barbe blanche. Je n’ai jamais su quelle était sa profession mais sa fille était mariée au fils de Joaquin Estrade l’ingénieur du barrage de Puyvalador et qui électrifia en fait toute la vallée. Venait ensuite, la maison du menuisier Ferrié et sa nombreuse famille ; je rencontre encore certains de ses enfants. Le jardin des Rouan-Calmet, surnommés « Bauzeille », était bien cultivé jusqu’au pied du coteau, une baraque touchait la rue. La famille Jammes, après l’incendie de son usine vint s’installer et faire des chaises dans un petit bâtiment appartenant aux Dreux de la Grand’rue et qui servait de basse-cour. M. Dreux venait tous les jours nourrir ses volailles et autres pigeons. La volière de M. Dreux a été transformée récemment en un saloir ultra moderne par Jeannot Moniès. Le poste E D F était en service. Bien plus tard, Georges Rolland construisit son garage-atelier, il existe encore. Et nous sommes au pied de la montagne. Un chemin à échelle, montait jusqu’aux oliviers de « Baouzeille », ce qui permettait à ma mère d’aller étendre ses draps. Combien de corbeilles de linge ai-je pu monter par ce sentier, car ma mère, à cette époque, faisait des ménages et aussi des lessives pour quelques familles aisées du quartier, et il fallait que tout soit bien blanc et sec ; c’est pourquoi j’ai souvent escaladé la pente pour l’aider, et étudié mes leçons pendant qu’elle « ramassait » et pliait sa lessive. La rue se rétrécissait tout d’un coup, ne laissant entre le versant de la montagne et les bâtiments de la tournerie Pons qu’un étroit passage. Donc, la rue de la Rhode était presque une impasse. Cette anomalie fut assez vite corrigée, et nous pûmes rejoindre la route nationale avec des véhicules de tous gabarits. Notre vigne de « Cassagne », rendue ainsi plus accessible, mes parents purent mieux travailler ce bout de terre qui était toute leur vie. Tel était le côté droit de la rue où j’ai passé toute mon enfance avec les petits galopins de mon âge.
En repartant du Pont Vieux, voici le côté gauche :
D’abord les établissements Canavy. On y broyait une pierre blanche, du talc de Roquefort. Nous entendions toute la journée le roulement des concasseurs alimentés par les ouvriers.
J’ai vécu dans cette rue, avec ma famille jusqu’en 1958, date à laquelle nous nous sommes installés Jeannette et moi, boulevard Jean Bourrel. La rue de la Rhode est la plus large de Quillan et pour moi la plus belle, car au rythme de cette rue j’ai vécu toute mon enfance, mon adolescence et aussi mes premières années d’homme adulte.
Rien que de bons souvenirs !
Opticien "Vision'Aires" de M; et Mme Pinard.
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